Touche pas à mes mirabelles
- clairemarin89
- 18 juin
- 2 min de lecture

On m'offre des mirabelles.
Je les mets dans mon sac.
Qui est jaune comme des mirabelles.
Je crois que c'est ma couleur préférée.
Le jaune d'or sur les mirabelliers.
Dans le jardin de mon enfance, c'était mon arbre préféré.
Le mirabellier.
Il était très grand au milieu du jardin.
Très grand avec un grand trou dedans.
J'allais m'y blottir tout le temps.
Dans ce grand trou noir qui semait l'or au vent.
En hébreu, le mot "lumière" se prononce "OR".
Le mot "peau" aussi.
Ils ne s'écrivent pas tout à fait pareil, mais leur prononciation est la même.
Notre peau vaut de l'or.
C'est elle qui devrait compter.
Notre peau si sacrée.
Et pourtant maltraitée.
Saccagée, détournée.
On détourne l'or.
On détourne le sens.
On détourne les lettres.
Faut arrêter de jouer avec les lettres.
Elles n'y sont pour rien.
Dans ces violences, dans ces guerres.
Elles n'y sont pour rien.
Elles sont les fruits de nos terres.
Nos mirabelles jaillies des ébènes.
Faut arrêter de jouer avec nos mirabelles.
Faut arrêter de jouer avec nos peaux.
Faut arrêter de jouer avec les objets de la colonisation.
Faut arrêter.
Introduire le bâton noir dans l'encrier.
Faire jaillir l'or et le coucher sur le papier.
Se coucher sur le papier.
Se blottir dans les mirabelliers.
Se blottir dans nos peaux si sucrées.
J'ai oublié les mirabelles dans mon sac.
Il était tout mouillé.
Je ne comprenais pas pourquoi il était tout mouillé.
Jusqu'à ce que je retrouve mes petites mirabelles toute explosées.
Explosées d'être restées un peu trop collées.
Elles étaient bien blotties dans mon sac ces petites boules dorées.
Mon sac qui embaume désormais le parfum de mon mirabellier.
Dans le Jardin d'Eden, ce n'est pas un pommier.
Ni même un mirabellier.
Ce n'est pas ce qui est écrit en réalité.
En réalité, il est écrit quelque chose comme "un arbre à fruits".
Pour que chacun puisse y sentir son fruit à lui.
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