Claire Marin

Terre comme Automne
Mon Royaume
Si j’osais aimer, si j’osais rêver
Le temps d’un sommeil
Le temps d’être au ciel
Le temps vautour
Le temps qui court
Si j’osais oser, si j’osais confier
Les traces que tu laisses
Ton parfum qui caresse
Tant pis si je suis bête
J’ai ta voix plein la tête
Si j’osais tomber, si j’osais saigner
Quand tu me regardes
Comme en moi ça barde
La vague qui me prend
Les délires du vent
Si j’osais donner, si j’osais lâcher
Tous les mots en laisse
Tout mon feu aux fesses
Les désirs en miettes
Le noir dans mes fêtes
Elles sont là mes envies
Bien cachées sous mon lit
Mais j’ose maintenant,
Le cœur nu et sans gants,
Et tant pis d’être bête
J’ai tes mains plein la tête
C’est toi mon homme, c’est toi ma femme
C’est toi mon frère, c’est toi ma flamme
C’est toi que j’aime, c’est toi l’amour
L’aube des heures, le corps du jour
Je t’attendais, au creux des champs
Je t’attendais, dans mes amants
Partout en toi surgit ma vie
Je t’attendais, au bord des nuits
Je t’attendais, si tu savais
Ce que ça fait, d’être au secret
Mais tant pis d’être bête
J’ai que toi dans la tête
Et je suis comme une môme
Car c’est toi mon royaume.
O comme Hiver
Le fond des océans
T’as vu la gueule qu’il a
Le fond des océans
T’as vu le mal de soi
Quand ça hurle au-dedans
Quand tu te tues la foi
A rêver hors du sang
A te briser la joie
Méticuleusement
T’as vu comme il s’ébat
Le fond des océans
A t’ouvrir en deçà
A oublier les gens
Que toi et le trépas
Irrémédiablement
A fouiner comme un rat
Dans la terre qui ment
T’as vu comme il te croit
Le fond des océans
A ce que tu dis pas
La folie plein les dents
Et tout ton corps à plat
Comme enterré vivant
Et la rage se noie
En silence et attend
T’as vu la gueule qu’il a
Le fond des océans
Que des poissons sans voix
Que des heures sans vent
Tu vas étouffer là
Sors d’ici maintenant
Avant que le ciel las
T’oublie infiniment.
R comme Printemps
Sublimer l'accident
Sublimer l’accident
Vivre tambour battant
Enlacer les tourments
Sublimer l’accident ;
Oublier l’or du temps
Prendre un fleuve d’argent
Danser éperdument
Sublimer l’accident ;
Rêver immensément
Hors des lois et des vents
Tisser le firmament
Sublimer l’accident ;
Aimer le cœur vibrant
La faille au bord du sang
Embrasser l’imprudent
Sublimer l’accident ;
Être profondément
Le mot nu et tremblant
Se donner au présent
Sublimer l’accident.
Feu comme Été
Si... Tu seras une femme,
ma fille
Hommage au poème de Rudyard Kipling « Si tu seras un homme, mon fils"
Si tu peux voir l’amour dans l’ombre de la haine
Caresser chaque jour d’une flamme sereine
Si tu peux ne jamais t’aveugler de colère
Et embrasser le mal au plus haut de l’hiver ;
Si tu peux faire ouvrage de toutes les chutes
Être au cœur de tes fautes, aussi tendre que juste
Si des juges assoiffés, tu peux te défaire
Et garder ta confiance, absolue et sincère ;
Si tu peux être fière de ton âme fragile
Des blessures et chaos, de tes failles dociles
Et apparaître nue au monde déguisé
Avec force et sagesse, en pure vérité ;
Si tu peux être en joie, si tu peux rester vive
Quand le cynisme luit, quand les rancœurs dérivent
Si tu peux accueillir du plus simple sourire
Le monde tel qu’il est, de son meilleur au pire ;
Si tu peux, toujours, sentir la grâce des êtres
Jusqu’aux plus basses vies où l’orgueil règne en maître
Et rallumer la paix qui frémit sous les guerres
Jusqu’au bout de tes nuits, jusqu’au fond du tonnerre ;
Si tu peux vivre la perte sans te perdre toi-même
Rester seule, rester libre, aux heures les plus blêmes
Si tu peux tout changer sans avoir peur du vide
Avancer dans ta vie au-delà de ses brides ;
Si tu peux rêver loin, jusqu'à oser éclore
Et de toute ta voix, soulever les aurores
Si tu peux te donner à l’audace du ciel
En ouvrant ton courage au berceau de tes ailes ;
Alors ton étoile te dira qui tu es
Tu seras la clarté qui veillait en secret
Tu seras l’éternité qui brille
Tu seras une femme, ma fille.
Cinquième Saison
PAYpasSAGE
Je suis le paysage
La beauté de passage
L’automne rouge vermeil
L’hiver bleu qui sommeille
Le nouveau printemps blanc
L’été jaune battant
Tout continue
Tout me voit nu
Je suis la roue du temps
La chanson des enfants
Je suis un soir de blé
Un matin de jonquille
Une journée dorée
Et puis la nuit qui brille
Je suis la peau du ciel
Une orange enflammée
Un citron qui sommeille
Une rose à tes pieds
En toi je résonne
En moi tu frissonnes
Je suis le berceau de tes pas
Le chêne de ta vie
La feuille dans tes bras
Le monde qui grandit
Je suis la terre aimée
Et le chemin sans âge
L’horizon déployé
Et le PAYpasSAGE.